J'avais comme l'impression d'être malade, ou d'avoir reçu un bon coup de poing dans le ventre, une chose était sûre, je me sentais vraiment à deux doigts de vomir. Aria, la fille du bar, celle que j'avais embrassé, et surtout, plus qu'envie de revoir, était une de mes élèves... mais... pourtant... n'était-elle pas à Hollis ?

A la fin de l'heure la plus horriblement longue de ma vie, elle referma la porte derrière son dernier camarade, et réclamait des explications.

- Je... ça n'était pas vraiment dans la conversation en fait je crois... puis, j'ai pas trouvé utile de t'en parler en fait, puisque tu étais à Hollis... finis-je avec une pointe d'amertume dans la voix

Étrangement, juste après lui avoir dit ça, je me sentais très mal à l'aise, comme si je l'avais insulté, et que ça me blessait moi-même.

-Désolé... repris-je alors aussitôt. Je ne sais pas vraiment comment ça a pu arrivé, pourquoi, toi, ici...

Je l'écoutais avec une étrange douleur. Elle, elle avait raison. C'était le mieux pour nous, pour elle, pour moi, le plus raisonnable. Et pourtant, j'avais l'impression qu'on m’amputait en même temps qu'elle finissait sa phrase.

- Tu as raison, ça ne sera jamais possible. Tu es vraiment fabuleuse Aria, et l'autre soir, au bar, c'était tout aussi fabuleux... mais... c'est illégal, interdit, et tu imagines la réaction de ton entourage, ta famille, et tes parents ? dis-je en un crescendo non contrôlé.

Mes mots me râpaient la langue, mais j'étais dans le vrai. Jamais nous ne pourrions ni l'un ni l'autre assumer cette relation.

- Sans compter que, en plus, ma carrière serait détruite... finis-je en réalisant que ça aurait dû être la première chose à laquelle j'aurais dû penser.

Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? pensai-je alors.

- Oui... On ne peut pas continuer. Le mieux est certainement d'oublier tout ce qui a pu se passer dans ce bar.

Dire cette phrase m'arrachait le coeur. Je le pensais tellement fort, mais le voulait tellement pas. Je n'arrivais même pas à dire ce qui m'empêchait de lui sauter dessus et de l'embrasser, là maintenant, tout de suite, dans cette salle.

- Pourtant... soufflais-je, n'osant pas avouer ces sentiments. Pourtant, ça m'aurait plu de continuer.

Même avec toute ma bonne volonté, je ne parvins pas à retenir une esquisse de sourire lorsqu'Aria finit sa phrase.

- Ecoute Aria, si tu avais été dans une autre école, je n'aurais même pas hésiter, tu es...

Je me retenais alors de dire réellement ce que je pensais, cela risquait en fait de passer pour une déclaration d'amour, alors que le thème du jour était plutôt la séparation, et je terminais simplement avec :

- ... vraiment une fille bien.

Mi-nable, pensai-je

C'était en effet un peu nul, mais après tout, je devais la laisser partir, et l'honnêteté n'aurait ici vraiment pas été efficace.

- Je,.. je sais pas, dis-je en me levant de mon nouveau siège de prof. Es-ce qu'on a au moins le droit de faire ça Aria ?

Je ne savais plus quoi penser, quoi dire. Elle me plaisait; beaucoup, mais était-ce juste envisageable ? N'étais-je pas coupable d'avoir déjà osé y penser ?

- Et de quoi on pourrait parler honnêtement ? Tu es mon élève, je suis ton professeur, c'est ça notre relation maintenant. Peut être que quand tu auras fini le lycée, on...

Qu'es-ce que j'ai failli dire là ??? Pourquoi une fille que je ne connais qu'à peine, qui en plus est mon élève, me fait dire des choses pareilles ?

Je la regardais avec hésitation, parler avec elle, ce serait trop risqué. En effet, peut être s’énerverait-elle, et irait raconter à tout le monde que je l'avais inviter chez moi. Peut être que moi, je ne pourrais pas tenir, peut être que je l'embrasserai à nouveau, si nous nous retrouvions seuls dans mon appartement. Peut être que... rien ne se passerait comme prévu... Pourtant, j'avais envie de dire oui...

- Je sais vraiment pas Aria...

Elle n'avait pas tord, il y avait tellement de choses que j'avais envie de lui dire, et si peu dont j'avais le droit de parler ici. Peut être qu'à mon appartement, ce serait plus facile. Mais ne serais-ce pas le plus gros problème finalement, se retrouver seuls tout les deux, dans un endroit où nous n'aurions rien à craindre... Mon esprit commençait à mettre la réponse négative en surbrillance, gros caractères, et souligné, et pourtant :

- Tu as raison... ce soir, après les cours, tu pourras passer à mon appartement ? C'est à Old Hollis, je t'enverrais l'adresse par sms, je n'ai toujours pas pris le temps de la mémoriser en fait... dis-je avec un mélange de honte et d'ironie.

J'ai vraiment dit ça ??

- C'est normal, lui dis-je avec un semi-sourire.

Je lui devais bien ça, largement même. Mais qu'allais-je faire ce soir ? Comment es-ce que j'allais gérer la chose ? Il fallait que je sois fort, que je sache quoi dire, que je me décide. Il fallait que dès qu'elle rentre je sois dans la meilleure optique, que j'ai choisi ce qui devait a rivé, et ne jamais m'en écarter. Mais qu'es-ce que je voulais au final ?

Je me levai alors, et rouvrais la porte de la classe.

- Très bien Mademoiselle Montgommery, vous me rendrez ça au prochain cours, dis-je avec une voix qui surjouait vraiment le professeur.

Mademoiselle Montgommery ? J'ai l'impression d'avoir 50 ans de plus d'un coup tiens, me dis-je avec ironie. Si elle, elle avait juste 5 ans de plus...